TOXICITE DES PARTICULES
DIESEL SUR LES CELLULES EPITHELIALES DES
VOIES AERIENNES CHEZ L'HOMME.
Pr.
F. Marano
Laboratoire
de Cytophysiologie et Toxicologie Cellulaire
Université
Paris 7, place Jussieu, 75251 Paris cedex 05.
Les fumées diesel
constituent actuellement une cause importante de pollution
atmosphérique en milieu urbain. En effet,
le parc automobile français
compte environ 25 millions de véhicules automobiles dont 14%
ont un moteur diesel. Le principal problème des fumées
d'échappement diesel vient de l'émission
particulaire qui est 50 fois plus importante que celle d'un
moteur à essence. Les particules diesel (PD)
sont de petite taille (0,1
à 0,3 mm de diamètre).
Leur partie centrale est constituée d'un squelette carboné
sur lequel peuvent s'adsorber des produits organiques qui constituent
de 10 à 90% du poids total des
particules selon le type de carburant et le type de moteur. Etant
donné la taille de ces particules, elles pénètrent
profondément dans l'appareil respiratoire, jusqu'aux alvéoles.
Leur vitesse d'élimination est relativement faible puisque
leur demi vie est de plus de deux mois chez le rat (Mac Clellan,
1987). Cette persistance des
particules dans les voies aériennes pose directement le
problème de leur impact sur l'épithélium
respiratoire qui est leur première
cible.
Il est très difficile d'évaluer
quantitativement in vivo les effets d'un
produit toxique, gazeux ou particulaire, sur l'appareil respiratoire.
C'est pourquoi des essais in vitro sur
cultures cellulaires se sont largement développés ces
dernières années (pour une
revue, voir Jaurand et col.,1995).
A l'aide de cultures primaires d'origine nasale ou
trachéale et d'une lignée immortalisée de
cellules bronchiques humaines, nous avons pu mettre en évidence
la réponse précoce des cellules épithéliales
à l'agression particulaire. Une
première étape est la phagocytose des particules qui
intervient rapidement, dès les premières
heures de contact avec la membrane apicale des cellules, et
s'accroît avec le temps et la
concentration en particules. Les P.D.
s'accumulent dans des vésicules intra
cytoplasmiques mais peuvent être retrouvées
libres dans le cytoplasme, voire dans le noyau. Un passage de
cellules à cellules (transcytose) est
également possible. La phagocytose des P.D. par l'épithélium
respiratoire, qui a également été observé
in vivo chez l'animal exposé à des fumées diesel
(Hyde et coll., 1985), peut expliquer la
persistance des particules dans les poumons. A concentration non
cytotoxique, le contact des P.D.
avec l'épithélium déclenche
également une réponse inflammatoire des cellules
épithéliales qui se caractérise par le relargage
de cytokines telles que l'IL8
et le GM CSF.
Cette sécrétion est précédée
par l'activation du facteur de transcription NFkB, sa translocation
nucléaire et sa liaison à l'ADN.
NFkB étant un
facteur de transcription impliqué dans la régulation
des gènes de plusieurs cytokines, notamment l'IL8 et le
GM CSF, ces résultats suggèrent donc un contrôle
transcriptionnel de l'augmentation de la
sécrétion.
La présence des HAP et
des nitro HAP sur les P.D.
pourrait jouer un rôle dans ces phénomènes.
En effet, le noir de carbone, qui représente .le
coeur carboné de la particule et qui est très
pauvre en HAP, n'induit
pas l'activation de NFkB ni la sécrétion
de cytokines aux mêmes concentrations que les P.D.
Cependant, le noir de carbone est également
phagocyté par les cellules épithéliales.
L'importance de la partie organique des particules dans la réponse
inflammatoire est confortée
par le fait que les P.D.
provenant de pots catalytiques et qui ont
perdu environ 60% des molécules organiques adsorbées
n'induisent plus le relargage de GM-CSF
par les cellules épithéliales.
En
conclusion; les particules diesel peuvent être phagocytées
par les cellules épithéliales respiratoires et ainsi
persister dans les tissus. Elles induisent une réponse
inflammatoire qui est sans doute une composante de la réaction
asthmatique. Cependant, l'élimination par catalyse des
molécules organiques adsorbées, si elle n'empêche
pas la phagocytose des particules, semble diminuer sensiblement la
réponse inflammatoire.
Références
Hyde DM, Plopper GG, Weir
AJ, Mumane RD, Last DL and Pepelko WE.
Peribronchiolar fibrosis in lungs of cats chronically
exposed to diesel exhaust. Lab.invest.
52: 195 206, 1985.
Jaurand M.C., Marano F.,
Wallaërt B., Gosset P., et
Haddad Romet S. Toxicité respiratoire in vitro in «
Toxicologie Cellulaire in vitro, Méthodes
et Applications ». Adolphe M.,
Guillouzo A., Marano F. Editions
INSERM, 237 263, 1995.
Mac Clellan RO. Health effects
of exposure to diesel exhaust particles.
Ann. Rev. Pharmacol. Toxicol. 27:
279 300, 1987