POLLUTION
ET ALLERGIE
LE ROLE DES EMISSIONS
DIESEL
M.
Aubier
INSERM (U
408) et Service de
Pneumologie, Hôpital Bichat, Paris.
Les manifestations allergiques
et l'asthme en particulier sont de plus en plus fréquentes
dans tous les pays industrialisés. Il faut
également remarquer que non seulement la prévalence
mais aussi la sévérité de l'asthme se sont
fortement accrues au cours des dernières années. Ainsi,
la prévalence de l'asthme qui était dans une population
universitaire française (sujets de 20 à
25 ans) de 3% en 1972 est passée à 5,6%
en 1982 et à 14% en 1992 (chiffres tirés
d'une récente enquête Européenne). Si la prise en
charge de l'asthme a nettement progressé depuis une vingtaine
d'années du fait d'une meilleure connaissance des mécanismes
physiopathologiques de la maladie et de l'arrivée sur le
marché de nouvelles thérapeutiques, il reste cependant
essentiel d'appréhender les facteurs
à l'origine de sa progression foudroyante.
Les facteurs à l'origine des maladies allergiques
et de l'asthme en particulier sont de deux ordres, génétiques
et environnementaux, d'importantes interactions existant entre ces
deux facteurs. Si un certain nombre de gènes candidats pour
l'immunopathologie de l'asthme sont en
cours d'identification, des
modifications de ces gènes ne peuvent constituer une
explication cohérente pour rendre compte de l'augmentation
de la prévalence de l'asthme observée ces 20
dernières années. Les facteurs environnementaux
apparaissent donc comme l'explication la
plus plausible. Parmi ces facteurs, la pollution de l'air et les
modifications du mode de vie sont en première ligne.
L'asthme est défini comme une obstruction
bronchique réversible, spontanément ou sous l'effet de
traitements broncho-dilatateurs. Sur le
plan physiopathologique, l'asthme est
caractérisé par une inflammation de la muqueuse
bronchique. Cette inflammation est constante, plus ou moins
importante selon le stade de gravité de la maladie. De
multiples travaux ont caractérisé cette inflammation
bronchique et étudié les facteurs pouvant l'induire
et/ou l'aggraver. Parmi ces facteurs, les allergènes
aéroportés et différents toxiques apparaissent
comme des facteurs majeurs. Plusieurs polluants atmosphériques
pourraient interagir avec des allergènes aéroportés
en amplifiant la réponse vis à vis d'un aéroallergène.
Les données expérimentales relatives à
l'immunotoxicité des polluants
atmosphériques concernent à
ce jour essentiellement les émissions diesel (ED).
Les hypothèses pathogéniques
visant à expliquer les liens entre ED et allergies
s'appuient sur des travaux récents qui mettent en exergue leur
rôle favorisant dans la sensibilisation IgE dépendante.
Ainsi, chez la souris, l'instillation trachéale
de PD augmente la réponse IgE spécifique
par l'intermédiaire d'une activation locale des
lymphocytes T, notamment grâce à la production d'EL4
(Kobayashi et Ito, 1995). De même,
chez l'homme, une augmentation de cellules productrices d'IgE
dans le liquide de lavage nasal a été démontré
après mise en contact préalable avec des solutions
contenant des PD (Diaz-Sanchez, 1994 et Takenaka,1995). De plus, dans
un récent travail (Diaz-Sanchez,1997) l'exposition nasale à
un allergène et à des PD dirninuait,
dans le lavage nasal, l'expression des ARNm codant pour les
cytokines de type TH2
(EFNg et EL2) et augmentait ceux
codant pour les cytokines de type TH2
(IL4, IL5, ILI0, IL13).
Il est donc possible que les PD contribuent à
potentialiser la réponse allergique des voies aériennes
chez des sujets susceptibles.
De nombreux travaux ont montré que les cellules
épithéliales (CE)
respiratoires participaient de façon
active à la réaction
inflammatoire secondaire à la pénétration
d'un allergène aéroporté dans le poumon. En
effet, les CE sont capables de sécréter de nombreux
médiateurs et particulièrement des cytokines pro
inflammatoires. Des travaux récents ont montré
que les PD pouvaient être phagocytées par les CE
bronchiques et alvéolaires (résultats personnels non
publiés). Ces PD induisent également une sécrétion
de cytokines, et tout particulièrement de GM-CSF, par les CE
(résultats personnels non publiés). Le GM-CSF
est la principale cytokine responsable du recrutement et de
l'activation, des cellules de Langerhans (CL) dans les épithéliums
des voies respiratoires. Intercalées entre
les CE où elles constituent un véritable réseau,
les CL des voies respiratoires, cellules dendritiques
associées aux muqueuses, sont en position idéale
pour exercer une fonction de surveillance vis à vis des
aérocontaminants pénétrant dans les voies
aériennes. Les données fonctionnelles obtenues chez
l'animal suggèrent que les CL
sont capables de prendre en charge les antigènes exogènes
ayant pénétré dans les voies aériennes et
de migrer vers les organes lymphoïdes régionaux pour y
activer les lymphocytes T spécifiques. Les CL représentent
les principales cellules présentatrices d'antigène des
voies respiratoires. Il est donc très
probable quelles interviennent dans la physiopathologie de maladies
immunoallergiques.
Ainsi, les émissions diesel favorisent la
sensibilisation à des allergènes de diverses façon
: d'une part, en modifiant le grain de pollen et en facilitant
la pénétration pulmonaire d'allergènes absorbés
sur les particules diesel et d'autre part, en agissant sur le système
immunitaire (augmentation de la production d'IgE
et de certaines cytokines comme l'IL4 et
le GM-CSF.
Les données concernant l'implication du système
immunitaires sont pour l'instant, surtout expérimentales.
Chez l'animal, la sensibilisation allergique est facilitée
par les émissions diesel, soit par leurs différents
constituants (HAP, NOx et particules),
soit par les nombreux allergènes qui sont absorbés à
la surface des particules. Chez l'homme, les émissions diesel
induisent une augmentation des IgE liée aux allergies d'une
manière dose-dépendante et spécifique.
Références
1 Diaz-Sanchez D, Dotson A,
Takenaka H, Saxon A. Diesel exhaust particles
induce total IgE production in
vivo and after the pattern of IgE
messenger RNA isoforms. J. Clin.
Invest. 1994 : 1417-1425.
2 - Diaz-Sanchez D, Tsien A,
Fleming J, Saxon A . Combined diesel
exhaust particulate and ragweed alergen
challenge markedly enhances human in
vivo nasal ragweed-specific IgE and
skews cytokine prduction to a T helper
cell 2-type pattern . J. Immunol.
1997 ; 158: 2406-13.
3 - Kobayashi T, Ito T.
Diesel exhaust paticulates induce nasal mucosal
hyperresponsiveness on inhaled histamine aerosol.
Fundam. Appl. Toxicol .1995 ; 27:
195-202.
4 - Takenaka H; Zhang K,
Diaz-Sanchez D, Tien A, Saxon A. Enhanced human IgE
production results from exposure to the aromatic hydrocarbons
from diesel exhaust : direct effects on
B-cell IgE production. J. Allergy
Clin. Immunol. 1995; 95: 103-115.