ASTHME ET
POLLUTION
A. Taytard
Service
des Maladies Respiratoires
Hôpital
du Haut Lévêque
Centre Hospitalo Universitaire
de Bordeaux
La qualité
de l'air inhalé fait l'essentiel de la morbidité et de
la mortalité de cause respiratoire.
L'air
ambiant représente environ 10 m3
ventilés par jour. On le divise en air
INDOOR de la maison (13 à
15 h), du travail (8 h), de la voiture (1 à 2h)
OUTDOOR des villes et des campagnes (l à 2 h).
Chacun de
ces types d'air a ses aérocontaminants particuliers (en nature
et en concentration) susceptibles d'entraîner
- des
lésions des mécanismes de défense de l'appareil
respiratoire
- une maladie broncho pulmonaire.
L'asthme est
l'expression clinique d'une hyper réactivité
bronchique, c'est à dire d'une capacité
exagérée des bronches à réagir
à une agression. La crise d'asthme nécessite donc la
rencontre d'un aéro- contaminant agresseur et d'une bronche
hyper réactive, et toutes sortes d'aérocontaminants
sont susceptibles de la déclencher. Le lien entre la pollution
et l'asthme vient donc immédiatement à l'esprit avec,
en pratique, deux questions
" les polluants
atmosphériques peuvent ils augmenter le risque de développer
une maladie respiratoire ?
"
les polluants atmosphériques peuvent
ils entretenir voire aggraver une maladie respiratoire préexistante
?
Quelques
remarques préliminaires doivent être faites avant de
tenter de répondre à ces questions.
I/ On ne dose en pratique
que quelques marqueurs d'un système complexe ,
2/ Les pics sont brefs,
reconnaissables, mais leur impact au long cours est mal connu
3/ La
pollution habituelle quotidienne est faible, hors accident, mais son
impact au long cours est mal connu
4/ Le risque individuel
paraît faible, mais les connaissances à l'échelle
individuelle sont rares
5/ L'impact
collectif est important par le nombre de personnes susceptibles
d'être atteintes.
Nous sommes donc
passés
" d'expositions
importantes (professionnelles, accidentelles) produisant des maladies
cliniquement et presque immédiatement
observables, à des expositions faibles dont les
conséquences ne sont visibles que projetées à
l'échelle d'une population,
" d'une
recherche de prévention individuelle à la recherche
d'une réduction de risque pour l'ensemble d'une population.
L'évaluation
du risque se fait en 4 étapes
1 .
Identification du polluant à incriminer : On établit un
premier lien préliminaire de
cause à effet entre l'exposition à un produit et
certains effets délétères sur la santé ;
on utilise pour cela les enquêtes épidémiologiques,
la toxicité animale et les données de toxicité
in vitro ;
2.
Evaluation de la relation dose réponse : C'est la
description de la relation quantitative qui existe entre l'exposition
à un produit et le type, 1'incidence ou
la sévérité du résultat observé,
on utilise pour cela 1' expérimentation animale, des données
humaines dérivées d'expositions
accidentelles, professionnelles, ou contrôlées en
condition expérimentale;
3.
Evaluation de l'exposition : C'est l'identification et la
caractérisation des populations exposées, et la
détermination de l'amplitude et
de la durée de l'exposition , elle
repose sur les données démographiques et la
surveillance de l'environnement ;
4.
Caractérisation du risque : On intègre ici les
résultats des 3 étapes précédentes pour
produire une estimation de la possibilité qu'un effet néfaste
sur la santé se produise, et la fréquence et la
sévérité avec lesquelles le résultat peut
être attendu dans la population sous certaines conditions.
Les
marqueurs de l'effet de la pollution atmosphérique sur
l'appareil respiratoire sont nombreux
1/ Excès
de mortalité cardio respiratoire
2/ Hausse de
la consommation de soins (visites, urgences, hospitalisations)
3/
Exacerbations de l'asthme (visites,
médicaments, DP)
4/ Augmentation des autres
maladies respiratoires
51 Augmentation des
symptômes respiratoires
6/ Baisse de
la fonction respiratoire (spirométrie, DP, résistances)
7/
Augmentation de la réactivité bronchique
8/
Inflammation broncho-pulmonaire
(cellules, médiateurs)
9/
Altération de la morphologie pulmonaire
10/Altération
des systèmes de défense
(clairance muco ciliaire, fonction macrophagique, réponse
immunitaire)
1l/Dommages cellulaires
L'impact de la pollution
sur l'asthme se fait dans 2 conditions
* en aigu et en
chronique
* au laboratoire et dans
la population
1/
AU LABORATOIRE
Avantages
: Les sujets sont homogènes, bien définis et
l'expérimentateur contrôle l'exposition, les symptômes,
les variables physiologiques et biologiques.
Limites
: La validation externe de ces résultats pose problème
dans la mesure où on utilise des polluants uniques ou des
mélanges simples au cours de tests aigus ou sub aigus qui
ne répondent pas à la chronicité d'un
environnement complexe. D'autre part leur coût en limite
l'utilisation.
Intérêts
: On peut caractériser les effets d'un polluant spécifique
et faire des hypothèses sur les mécanismes d'action.
2/ EN EPIDEMIOLOGIE
Avantages
: L'épidémiologie permet
d'étudier la relation exposition/effets sur la santé
dans la population générale et les populations à
risque. Il s'agit là de sujets réels soumis à
une exposition réelle.
Limites :
Ces études ne permettent pas de contrôler réellement
l'exposition au polluant ni les co facteurs ; or il existe une
myriade de polluants inhalés chaque jour et dans chaque type
d'environnement. D'autre part on ne dispose pratiquement pas de
données individuelles. Enfin, le risque de biais est majeur.
Compte
tenu de toutes ces remarques, on peut retenir les résultats
suivants il n'existe pas de preuve
formelle, aujourd'hui, que les polluants atmosphériques
augmentent la
prévalence
de l'asthme. Ils peuvent, par contre, en augmenter la mortalité
et la morbidité dans
les
conditions de vie habituelles.
1/ à
court terme
Un
exposition à l'ozone provoque une baisse du VEMS
et une augmentation de la réactivité
bronchique
mais il existe 10 à 20% de non répondeurs et un
phénomène de tolérance apparaît
au bout de 3
à 5 jours.
2/ à
moyen terme
Le recours
pour asthme aux services d'urgence est significativement associé
- aux PM10
le jour précédent chez les sujets de moins de 65 ans,
- au
niveau d'exposition à l'ozone et au S02 chez
les enfants.
*Il existe
une relation entre l'augmentation des concentrations d'ozone et de
S02 dans l'atmosphère et
-la
diminution de la fonction ventilatoire mesurée par le débit
de pointe,
-
l'apparition de symptômes respiratoires, la prise de
broncho dilatateurs,
et pour des
niveaux de pollution inférieurs
aux nonnes OMS.
" Chez les
asthmatiques sévères, les PM2,5
augmentent les scores d'asthme.
" Chez les
enfants asthmatiques, il existe une relation significative entre le
niveau de particules PM10
et
la diminution du débit de pointe,
l'augmentation de la prévalence des syrnptômes
respiratoires,
la consommation médicamenteuse.
On peut
en conclure que
" l'effet
nocif de certains composants de la pollution est maintenant
établi, y compris pour des niveaux de pollution relativement
faibles et sans qu'il y ait de réels effets de seuil
" les
polluants atmosphériques sont susceptibles d'avoir un effet
néfaste additif voire synergique.
Pour
améliorer la situation on peut souhaiter
" une
amélioration de la qualité de l'air, mais la définition
des seuils n'est pas du domaine de l'expertise scientifique,
" un système
de surveillance, de prédiction et d'alerte,
" des
conseils adaptés aux populations à risque, mais qui ne
les marginalisent pas,
" un effort
de recherche prenant en compte les mesures individuelles.
" Et sans
oublier la pollution intérieure qui est celle dans laquelle on
baigne pendant 90% de notre vie.